Les
observations du Dr Murray sont intéressantes. Il ne faudrait
pourtant pas les figer, en oubliant combien les interractions
de
la biochimie du cerveau sont complexes.
série
BBC Cannabis, ce que les ados doivent savoir du 19 June, 2005,
interview du Dr Murray
La
dopamine
La psychose est due à un
excès de dopamine dans le milieu du cerveau. Un
excès
de dopamine quelle qu'en soit la raison peut rendre quelqu'un
psychotique. Tous les médicaments utilisés pour
traiter
la psychose diminuent la dopamine dans les parties centrales du
cerveau. La dopamine est la substance chimique qui permet
l'attention. Si tout d'un coup quelque chose qui se produit
et
vous excite, c'est grâce à la dopamine que vous
faîtes
attention à ce quelque chose quand la dopamine est
relarguée.
Dans les psychoses, tout capte l'attention. Le moindre bruit, la
mimique de quelqu'un, une nouvelle personne qui arrive à la
porte, un bruit à la télévision,
n'importe quel
détail devient terriblement important parce que la dopamine
les rend important. La personne relie alors tous ces
éléments
entre eux, pense que les choses sont réellement
reliées
entre elles, ont toutes une égale importance, que la
télévision leur parle, que les voisins conspirent
contre eux. Attachez tout cela ensemble et elle développe
une
sorte d'explication irréelle de tout cela. Ces choses
m'arrivent parce que je suis terriblement important ou parce que la
CIA complote contre moi. Le relargage de dopamine cause ces illusions
que se fabriquent les gens.
Quel
rôle joue le cannabis dans le système de la
dopamine ?
Le
cannabis contribue à fabriquer un excès de
dopamine.
Nous savons surtout cela à partir d'expériences
sur les
animaux, il y a eu très peu d'études sur les
humains
bien qu'elles augmentent actuellement. En particulier qu'arrive-t-il
si vous donnez du cannabis à une personne et que vous lui
fassiez passer un scanner. C'est une des raisons de
l'utilité
du cannabis pour les personnes qui souffrent de sclérose en
plaque. Un des bénéfices de la dopamine est
qu'elle
aide à relâcher les muscles dans les maladies
neurologiques. C'est une des raisons pour laquelle on aime prendre du
cannabis, on en ressent des bienfaits thérapeutiques.
L'autre
fonction de la dopamine est bien sûr la
récompense
chimique, le plaisir. Toutes les drogues, de l'alcool
jusqu'au
cannabis et aux amphétamines excitent toutes le
système
dopaminergique. Chez la plupart des gens cela donne seulement du
plaisir mais certaines personnes semblent plus vulnérables
et
l'excitation du système dopaminergique provoque une
psychose.
Ainsi le cannabis peut jouer un rôle dans la psychose. La
seule
façon d'observer si le cannabis cause des psychoses est de
démarrer avec des personnes en bonne santé, de la
même
manière que pour voir si fumer du tabac cause un cancer du
poumon est de commencer avec des adolescents qui fument et que vous
suivez toute leur vie. Première observation : des personnes
fument du cannabis quotidiennement, sans manifestations
réellement
graves, pour n'en retirer que les avantages, pendant qu'une
minorité
devient psychotique. Il y a donc une différence dans la
susceptibilité génétique.
L'évidence
était qu'il fallait examiner les gènes
impliqués
avec la dopamine. Nous nous sommes demandé si les
différences
des gènes qui métabolisent la dopamine selon les
personnes pouvaient contribuer à cette
susceptibilité. Il y a un gène appelé
COMT qui métbolise
la dopamine, la fait descendre dans les lobes frontaux du cerveau.
Nous avons donc examiné la distribution des
différents
types de COMT. Il y a le type MET et le type VAL. Chez les personnes
qui ont un mélange de MET et de VAL, leur risque est
multiplié
par 2. Les personnes qui ont seulement des gènes VAL/VAL
leur
risque est multiplié par 10 s'ils ont
pris du cannabis pendant
leur adolescence. Ainsi des personnes ayant fumé des
années
ne développent pas de maladie psychotique, pendant que
d'autres plus vulnérables deviennent malades dans un laps de
temps beaucoup plus court. Si vous appartenez au groupe VAL/VAL vous
avez 10 fois plus de risques de devenir psychotique par rapport
à
quelqu'un qui ne prend pas de cannabis. Normalement appartenir au
groupe VAL/VAL ne porte pas à conséquence. Cela
rend
juste les personnes plus vulnérables aux effets du produit.
Pour ceux du groupe VAL/VAL -nous le savons aussi grâce au
travail d'un de nos collègues hollandais Jim van Os, l'effet
est bien plus considérable sur leur mémoire et
leurs
perceptions juste après la prise de cannabis que pour ceux
du
groupe MET/MET. Certaines personnes ont une prédisposition
génétique à la maladie mentale si
elles fument
du cannabis. Les personnes ont des variantes dans leur
susceptibilité
à la maladie mentale. Le cannabis est un des facteurs mais
ce
n'est pas la cause principale de la schizophrénie. La
schizophrénie, c'est un peu comme la maladie cardiaque, il y
a
un certain nombre de facteurs qui y prédisposent dont les
facteurs génétiques, il peut y avoir aussi une
difficulté à la naissance comme un manque
d'oxygène
ou toute une série de situations sociales
(environnementales)
qui augmentent le risque. Il a été
démontré
par 6 études différentes que les adolescents
consommateurs intensifs de cannabis risquent davantage de
développer
des troubles psychotiques. Si vous suivez des jeunes de 15 ans
normaux et en bonne santé, il y a 3 fois plus de risques
qu'ils développent une psychose à 26 ans. Si au
lieu de
commencer à 15 ans ils commencent à 18, le risque
tombe
à une fois et demi fois plus. Plus tôt les jeunes
commencent plus le risque est élevé.
L'hypothèse
la plus ennuyeuse est que si vous commencez à cette
période
de développement du cerveau -à l'adolescence, il
y a
des changements considérables quant aux
récepteurs de
dopamine qui se fixent dans une sorte de schéma
définitif
-un schéma d'adulte. Ainsi le cannabis joue un
rôle dans
le développement de certaines maladies mentales comme la
psychose. Pourquoi en être convaincu ? En partie parce que
c'est une évidence, en partie à cause des malades
qui
consultent. Quand les personnes psychotiques arrêtent de
prendre du cannabis, il y a une amélioration magistrale. Il
est parfaitement logique que si l'arrêt de quelque chose vous
améliore, ce quelque chose a contribué
à l'état
premier.