Association loi 1901 affiliée à l'U.D.A.F. du Rhône (Union Départementale des Associations Familiales)
et à la F.N.A.P.T. (Fédération Nationale des Associations Prévention Toxicomanies)
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    > Audition au Sénat de Marie-Françoise CAMUS

Audition au Sénat, 23 avril 2003, 

Commission d'enquêtes sur les drogues illicites


Mesdames, Messieurs les Sénateurs,

Au nom de toutes les familles en souffrance qui se confient à nous, je vous remercie de votre invitation. C’est une surprise et un honneur d’être écoutés au plus haut niveau, dans une des institutions prestigieuses de l’Etat. Surprise, car nous sommes malheureusement davantage habitués à l’incompréhension et l’indifférence. Honneur, parce que vous représentez un pouvoir éminent et nous redonnez espoir.

Ce que je vous dirai aujourd’hui n’a rien d’une théorie plaquée artificiellement. C’est la réalité brute au quotidien, avec son cortège de difficultés et de drames, souvent ressentis comme des impasses dont il est très difficile de sortir. Ce sont aussi les besoins urgents qui en découlent. Si des familles de toute la France nous font confiance, c’est probablement parce que les écoutants formés à Phare sont ou ont été tous confrontés à des situations similaires. Ainsi la compréhension et la compassion entre nous est immédiate, personne ne se sent jugé, même lorsque la réalité va au-delà de tout ce que l’on peut décrire. L'entraide est alors spontanée. Notre regard est obligatoirement différent de celui d’un professionnel qui n’a pas vécu ces situations et qui ne peut se sentir impliqué de la même manière. Les personnes qui s’adressent à nous sont d'abord des mères de familles, souvent des grand-mères. Sans doute, nous sentons-nous une complicité de femmes qui favorise les échanges. Certaines nous disent, quand la situation est trop pénible et invraisemblable, ce que nous savons toutes, nous les mères : « mais quand même, il est sorti de mon ventre ». Les pères nous téléphonent moins, de façon plus brève. Quant-aux jeunes, ils nous contactent surtout par internet.

Vous savez que la toxicomanie à l’heure actuelle n’est plus seulement le fait de quelques marginaux. Notre société a orchestré une telle banalisation du cannabis auprès de nos enfants que maintenant bien des familles sont atteintes en France. La dangerosité du cannabis a été si fortement niée que le nombre de jeunes consommateurs a doublé entre 1998 et 2001. Or la plupart ont à un moment ou un autre des idées de meurtre ou de suicide. Rares sont les familles qui ne nous en parlent pas. Heureusement peu passent à l’acte, mais est-ce une drogue inoffensive une drogue qui provoque de telles idées ? Imaginez le climat familial lorsque les jeunes disent à leur père ou leur mère « tu sais, je pourrais te tuer ! » Car, c’est principalement en famille qu’ils osent manifester ainsi leurs pulsions. A peine commence-t-on à réagir publiquement devant ce fléau qui menace la santé publique, non seulement la santé physique comme avec le tabac, mais la santé mentale. Or tous ces jeunes consommateurs sont profondément marqués dans leur cerveau. Non seulement l’empreinte mnésique, le souvenir est inscrit durablement dans le disque dur de la mémoire, mais encore les moments de lucidité n’existent guère, tant que la personne reste sous l’influence du produit. Le cannabis est une drogue lente, stockée des semaines dans les graisses du cerveau et cela rend particulièrement difficile la prise de conscience sur la gravité des changements de comportement. L’insertion humaine et sociale de nos enfants en est compromise. Qui les entretiendra dans les années à venir, quand les parents n’en pourront plus ?

Que répondre à cette grand-mère qui ne sait plus quoi faire de son petit-fils. La Maman, à bout de forces l’a mis dehors. Alors ce jeune homme vole sa grand-mère, chez qui il s'est réfugié, lui subtilise sa voiture bien qu’il n’ait pas le permis, risquant ainsi de la priver de son outil de travail puisqu’elle est aide-soignante et a absolument besoin de sa voiture pour se rendre à l’hôpital. Quand je lui demande si elle arrive à parler à son petit-fils, elle me répond : « Ce n’est pas possible, il est fermé comme une huître ». Que dire à ces parents qui ont peur de leur adolescent et de ses actes de violence, même en voiture, rendant tout trajet avec lui impossible ? Voici aussi toutes ces familles qui voient revenir s’installer à la maison leur grand gaillard de 25 ans qui après des essais malheureux de vie autonome a un comportement régressif déconcertant, prince déchu qu'il faudra parfois mettre sous tutelle.

Je ne m’attarderai pas sur l’enfer vécu dans les familles. Le respect devant autant de souffrances exige une sobriété qui relève de la dignité des personnes. Ni la sensiblerie ni le voyeurisme ne sont de mise quand un jeune en vient à tout casser à la maison, parfois à provoquer son père, frapper ses frères et soeurs ou sa mère. Par contre, je voudrais insister sur les moyens à mettre en oeuvre d’urgence.

C’est-à-dire
        1 : la création de Centres de désintoxication,
        2 : la nécessité d’une prévention efficace à l’école,
        3 : l'urgence d’enrayer la promotion commerciale de                 la drogue.


    1 : la création de Centres de désintoxication.

Certes, certains jeunes arrêtent rapidement des débuts de consommation. Des familles nous remercient par ces mots, tantôt par écrit, tantôt oralement : « Vous nous avez aidés à être plus fermes et plus conscients des conséquences sur le cerveau.  »

D'autres ont besoin de soins psychiatriques. J’ai peine à croire, comme le dit l’Académie de Médecine dans son rapport du 19 février 2002 que seuls 1 % des consommateurs de cannabis relèvent d’un suivi psychiatrique. Dans les appels que je reçois pour des problèmes de cannabis, au moins une famille sur 5 fait état de délires suffisamment graves pour nécessiter des soins adaptés. Schizophrénie ou non, les hôpitaux psychiatriques n’ont pas toujours les moyens de faire face. Le problème est particulièrement crucial pour les enfants, car avant 16 ans et 3 mois, l’hospitalisation adulte n’est pas possible et les lieux d'accueil manquent.

Pour la majorité des jeunes accrocs au cannabis, l'hôpital n'est pas adapté. Il faut des Centres de désintoxication. Arrêter une addiction sans un soutien très ferme et exigeant, pour beaucoup, c’est impossible. Quand un jeune dort en classe, incapable d’aucune attention ni effort intellectuel, sa place n'est plus au Lycée. Faudrait-il alors des centres « spécial cannabis » ? Non, car à focaliser sur un produit, le risque serait de basculer dans un autre. Il faut simplement des lieux de réel sevrage sans aucun produit de substitution. Des jeunes encore en âge scolaire ne peuvent pas être envoyés dans les centres de post-cures actuels prévus pour les héroïnomanes et où l’on distribue méthadone ou Subutex. Il faut de nombreuses structures qui tiennent compte de l'âge, avec des projets d’établissements variés, la seule exigence commune étant la non consommation d’aucun produit modificateur de conscience. Bien entendu, la fermeté y sera de mise, ce qui ne veut pas dire la rigidité. Car il faudra s’adapter à chacun. Une surveillance médicale rigoureuse et un soutien psychologique seront évidemment indispensables. A partir de là, certains lieux mettront plus l’accent sur le sport et le travail physique comme facteur de restructuration, d’autres attacheront de l'importance à une remise à niveau scolaire et un réel travail intellectuel. Il ne s’agit pas de tout inventer. Nous devons bénéficier de l’expérience des Centres qui obtiennent des résultats tangibles. Ainsi APTE , près de Soissons ou Trempoline en Belgique. Il sera bien entendu nécessaire que ces structures travaillent en lien étroit avec les parents. Trop souvent les familles ont été évincées, alors que ce sont elles qui vivent cette épreuve sur le long terme. La qualité de leur présence -même dans les moments de distance- est un des atouts majeurs pour la réussite des projets.


    2 : la nécessité d’une prévention efficace à l’école,

La 2ème urgence est aussi impérieuse que la première. C'est la nécessité d’une prévention à l’école, crédible et adaptée à chaque tranche d'âge, depuis le CM jusqu'à la fin de la scolarité. L'offre de la drogue étant omniprésente, les enfants doivent être armés très tôt et pouvoir en parler avec des adultes avertis et responsables, autant en famille qu'à l'école. A l'adolescence, ils ont besoin d'en discuter avec les parents de leurs copains ou d'autres adultes qu'ils côtoient. La formation scientifique et médicale des parents et des enseignants faite avec l'aide de pharmacologues ou de toxicologues, est aussi importante que celle des jeunes. Beaucoup de lycéens sont étonnés quand nous leur donnons ces informations et se demandent pourquoi personne ne les avait avertis encore. En effet, si nous rappelons un état des lieux, la politique actuelle ces dernières années a été marquée par l’idée de la réduction des risques. Or s’il vaut encore mieux utiliser une seringue propre ou un préservatif plutôt que de se transmettre la maladie et la mort, ce n’est pas avec des évidences de la sorte qu’on apprend au jeune à dire NON à la drogue ni qu’on l’éduque à une affectivité équilibrée. La politique de réduction des risques a incité malheureusement à la consommation de la drogue et au vagabondage sexuel. Elle est inadaptée à l'école. Elle aboutit à ce genre de question qui tracassait des petits 5èmes venus nous demander : « Madame, la bonne drogue qu'est pas daubée, où faut-il l'acheter ? », car on a réussi à faire croire aux jeunes que le danger c'est l'adjuvant, pas la drogue. Il n'est pas acceptable de vouloir enseigner à nos enfants à gérer leur consommation, ni à cultiver la fascination de la drogue. Aidons les plutôt à former leur esprit critique, à repérer l'arnaque esclavagiste dont ils seraient les premières victimes, montrons-leur comment la drogue les empêche d'acquérir autonomie et liberté, informons-les réellement sur les méfaits des produits, pour qu'ils sachent préserver leur santé et particulièrement leur cerveau. Cette prévention d’usage que nous pratiquons à échelle réduite devrait être évaluée et reconnue, encouragée par l'Education Nationale. Arrêtons cette démagogie qui veut seulement prévenir les risques liés à l’usage.

Une prévention efficace aboutit normalement à la détermination d'éradiquer la drogue de l'école. Au besoin, le chef d'établissement doit pouvoir se faire aider d'une équipe cynophile, soit un chien spécialement dressé et son maître pour repérer d'éventuels contrevenants autant à l’école que dans un périmètre scolaire facile à délimiter. Cela aurait l’avantage de lever un climat de suspicion toujours désagréable quand on ne sait pas où se trouve exactement la drogue et d’aller droit au but sans perdre de temps. Il n’est pas pensable de fouiller les élèves. Ce serait traumatisant pour tout le monde : les jeunes ont horreur d’être soupçonnés à tort. Des contrôles urinaires pourraient aussi être pratiqués à l’infirmerie pour soutenir les plus fragiles. Des sanctions rapides et pertinentes seraient dissuasives, car quelquefois un règlement d’école bien appliqué est mieux compris que la Loi avec un grand L. Pour grandir, l’enfant a besoin de recevoir autant de signes d’amour que de signes de fermeté. Ces exigences de bon sens devraient bien sûr être élargies à tout un environnement social. Pourquoi n’y a-t-il pas encore de contrôle urinaire sur les stupéfiants avant de passer le permis de conduire ? C’est bien dès le démarrage que l’on doit prévenir la drogue au volant.


        3 : l'urgence d’enrayer la promotion commerciale de                 la drogue.

Il est non seulement nécessaire de sanctionner la publicité pour la drogue et l’incitation à se droguer. Encore faut-il retirer du marché tout ce qui contribue à fabriquer cette « mode » du pétard et de la drogue, présentée comme la manière incontournable de rester jeune et branché. Depuis plus de 25 ans, certains ouvrages ou revues incitatifs sont tolérés dans la plupart des circuits commerciaux. ASUD est même subventionné par le Ministère de la Santé. Il ne suffit pas de faire de temps à autre un procès à un promoteur de drogue, procès symbolique qui l'aide surtout par la publicité qui lui est faite à mieux lui faire vendre sa littérature. Encore faudrait-il appliquer la loi et retirer de la vente sa marchandise. La promotion de la drogue est de plus en plus orchestrée par tout un environnement médiatique. Le pétard ou la feuille de cannabis décore des vêtements de jeunes, parfois des canettes de bière ou même des yaourts. Faudra-t-il donc nous en mettre partout ? Consommez, consommez devient petit à petit consommez de la drogue, OUI CONSOMMEZ DE LA DROGUE ! Situation inadmissible. Comment échapper à cette propagande-bourrage de crâne ?

Je vous remercie de votre attention qui nous va droit au coeur, juste au moment où l’exaspération de nos familles atteint un point maximum. Quand des parents sont atteints dans leurs enfants, ils sont blessés dans ce qu’ils ont de plus cher au monde. Rien ne les arrêtera pour tenter jusqu’au bout de les sauver.


Marie-Françoise Camus

diplômée de toxicomanie-dopage de l'Université de médecine d'Angers

auteur de « Dépendances et Liberté », distribué par l'association

présidente de l'associationLe Phare, familles face à la drogue,


M.  Plasait manifeste sa contrariété de cette promotion commerciale de la drogue et montre des bonbons dont le papier est décoré d'une feuille de cannabis. Il nous demande comment nous nous faisons connaître.

Principalement par le bouche à oreille et le livre édité par l'association, l'écho dans les médias, car nous ne recevons aucune subvention.


        M. Chabroux demande si la loi a une incidence sur la consommation. Nous avons une des législations les plus répressives et la consommation ne fait qu'augmenter.

La loi n'est pas appliquée. La distortion entre la loi et la dépénalisation de fait n'est pas acceptable. Un consensus semble exprimer la nécessité d'instaurer des contraventions, sans avoir recours chaque fois à la justice. Des travaux d'intérêt général OBLIGATOIRES seraient également bien plus éducatifs que des peines de prison inefficaces.


            M. Chabroux demande combien il faudrait créer de centres de désintoxication et pourquoi nous parlons surtout du cannabis.
      Chaque Lycée aurait des dizaines de jeunes qui pourraient en bénéficier. C'est donc par centaines qu'il faudrait créer de tels centres.
            Dans les préventions que nous faisons au collège, nous présentons les méfaits respectifs et comparés du tabac, de l'alcool et du cannabis, en passant un temps égal sur chacun de ces produits. Tout en insistant sur les ravages causés sur la santé par le tabac, nous pointons surtout la perte de lucidité provoquée par les produits modificateurs de conscience. Nous mettons également les jeunes en garde contre le G.H.B., la drogue du viol, l'ecstasy, les cachets et les poudres qui peuvent donner la mort. D'autant que dans une société qui a la culture du médicament, les jeunes sont moins conscients du danger.

La croissance exponentielle des jeunes consommateurs dont le nombre a doublé en 3 ans exige une attention particulière sur le cannabis, d'autant que ses méfaits sont moins reconnus que ceux des autres produits dans une opinion publique qui a été abusée.

De plus la promotion commerciale de la drogue se fait surtout sur le cannabis, à l'encontre du L 630 du code de santé publique. Vanter les overdoses ou les drogues immédiatement mortelles ne serait pas commercial. Tandis que présenter le cannabis comme une drogue douce, inoffensive et qui fait du bien encourage beaucoup plus la vente. D'autant qu'il n'y a pas de dose létale comme avec d'autres produits et que l'on fidélise ainsi la clientèle. ENRAYER LA PROMOTION DU CANNABIS, c'est par ricochet diminuer la consommation de TOUTES LES DROGUES.


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17 mai 2013